Deux trajectoires pour penser la céramique autrement.
Dans ma pratique, certaines idées s’imposent comme des lignes de force : le geste comme langage, la forme comme sujet, le refus des finalités toutes faites.
Les deux notions présentées ici – Tournage contemporain et Art sans cible – structurent ma démarche.
Elles ne sont ni des manifestes figés ni des dogmes, mais des champs de recherche ouverts, où la matière, le mouvement et l’intuition prennent toute la place.
- Tournage contemporain -
Le Tournage contemporain est une démarche artistique qui revendique le geste du tournage comme un acte plastique autonome. Il ne s’agit plus simplement de produire des objets utilitaires, mais de faire du tour un médium sculptural à part entière, où la matière devient vecteur de sens et de mouvement.
Par cette approche, le tournage quitte le champ de l’artisanat pour entrer dans celui de la sculpture contemporaine. Le geste répétitif, circulaire, hypnotique devient un langage. La forme n’est pas décorée : elle est le sujet. Chaque pièce tournée devient l’empreinte d’un rythme intérieur, d’une énergie condensée.
Des œuvres comme Samā, inspirée de la danse des derviches tourneurs, ou la série Skyline, aux lignes architecturales marquées sur grès clair, incarnent cette recherche. Le tour y est à la fois outil, matrice et terrain de jeu plastique.
« Une mise en abyme du mouvement circulaire et du geste du tour, où la matière épouse la danse des formes. »
Tournage contemporain est une déclaration d’indépendance vis-à-vis des attentes fonctionnelles. C’est un art de la forme pure, une exploration de la dynamique du geste et de la lumière dans la matière. Ce qui tourne crée, et ce qui est créé raconte ce mouvement.
- Art sans cible -
Art sans cible est une philosophie de création libre et délibérément affranchie de tout objectif imposé. Elle refuse la logique du produit, de la finalité, de la lisibilité immédiate. C’est un art errant, sans boussole ni direction fixe. Une forme de résistance à l’assignation de sens.
Ce concept est aussi un clin d’œil à mon logo personnel : une cible stylisée, qui est également une girelle, symbole du mouvement perpétuel du tour. Ainsi, Art sans cible interroge la notion même de « cible » : faut-il toujours viser quelque chose pour créer ?
Cette posture s’inscrit dans une tradition artistique plus vaste, en écho à la pensée de René Magritte : « Ceci n’est pas une pipe. »
Créer sans viser. C’est cette tension entre forme et liberté que j’explore.
Les pièces Samā et Skyline sont les manifestations concrètes de cette pensée. Elles ne cherchent pas à convaincre, illustrer ou séduire, mais à exister pleinement, dans l’autonomie de leur présence plastique.
« Une invitation à voir au-delà du visible, à créer sans chercher à atteindre un point fixe. »
Art sans cible est un refus poétique de la cible, une célébration de l’errance, du détour, de la faille et de l’écart.